Une ville sans voiture. Sans vélo. Sans bus. Sans rien. Une ville sans humain, sans vie. Ou plutôt, ce qu’il en reste. Partout autour de moi, j’entends le murmure lointain, les ruines de milliers de vies enfouies sous les pierres grises. Ville autrefois grouillante, telle une fourmilière. Vestiges d’une vie mouvementée, de ci, de là. Puis plus rien. Plus personne. Ils ont tous disparu. Où est passé le facteur qui sillonne les rues, son vélo chargé de courrier? Où sont les maçons qui s’acharnent aux façades des maisons ? Où sont passés les enfants dans le parc? Leurs cris se sont éteints. Et les talons des femmes qui martèlent le pavé? Je ne les entends plus. Le klaxon du taxi en retard? Envolé. Le moteur ronflant des autos? Et l’eau du bain qui coule, et les pleurs de l’enfant qui est tombé, et le crayon qui frotte le papier dans la main de l’écolier? Il ne reste rien. A la place, la nature y a repris ses droits. La végétation se mêle aux ruines, rentre dans les vieux magasins désaffectés. La ville semble s’être tue dans un dernier murmure, le dernier souffle de la civilisation a tout emporté. Je m’aventure dans les rues vides, mornes. Elles sont silencieuses. Les lianes épaisses se sont lovées autour des lampadaires, telles des serpents endormis. Je rentre dans ce qui semble être, une ancienne bibliothèque. Les livres, humides et sales, jonchent le sol recouvert d’un épais humus. Je parcours des yeux quelques titres : Le papillon des étoiles de Bernard Werber, En attendant l’apocalypse de Paul Kirchner…Des livres sur la fin du monde. Je continue ma marche parmi les édifices en morceaux… je repense à ma vie. Celle que je menais avant que je ne me retrouve ici, dans cet endroit abandonné, vidé de ses milliers de vies…mais où sont passées les autres? Par une des grandes fenêtres, entre deux feuilles, je vois une pancarte. Je sors, m’approche, et ne vois rien. La pancarte est vide. Il y a des décennies de ça, le nom de la ville devait y être inscrit. Mais le temps a tout effacé. J’avance doucement. Le soleil est pâle dans un ciel sans couleur, le temps s’est arrêté. Tout est en suspens. Les bâtisses autour de moi me paraissent immenses, on dirait des gouffres. Leurs formes se découpant sur le fond du ciel sont nettes. Soudain, un frisson parcourt la surface de la terre et fait frémir les feuilles…Je m’arrête, et attends. La lumière du soleil, si pâle, devient maintenant plus acerbe et me fait mal aux yeux. Je veux quitter cet endroit. Un grondement surgit des profondeurs de la terre, de dessus ma tête, de tous les côtés. Un grondement qui grandit, grandit, de plus en plus fort! Les feuilles se remettent à frémir, et cette fois, je vois la terre accumulée sur les toits tomber, j’entends les livres dans la bibliothèque tomber de leurs étagères. Devant moi, la terre s’ouvre. Quelque chose est en train de remonter à la surface. Un miroir, qui grandit, il est immense! Je dois m’agenouiller pour ne pas perdre l’équilibre. Puis, tout s’arrête. Plus de bruit. Rien. Le miroir est là. Mais quelque chose ne va pas…. Je ne vois pas mon reflet dans ce miroir! J’approche la main de la glace puis…
Je me retrouve soudain dans ma chambre, face à mon miroir. Devant moi, dans le miroir, je m’observe. « Mince! Encore en retard pour les cours! Je n’ai pas peur. J’ai tout compris. Je suis un visionnaire, et dans 100 ans, les hommes disparaîtront. Il ne restera que ces ruines que je vois de l’autre côté du miroir. Les ruines d’une population de 7 milliards d’habitants.