Il était dans le train, la tête collée à la vitre, il regardait défiler la nature. Les paysages de France étaient tellement variés ! Tantôt il apercevait de vaches, dans de verts pâturages, tantôt de grandes plaines couvertes d’orge, qui, avec le vent et sous ce soleil brûlant de juin, s’agitait dans une danse paisible. Parfois l’on traversait des montagnes à travers de longs tunnels, et il lui était arrivé de voir des clochers au lointain, trancher le paysage.
En arrivant à Montparnasse, il fut surpris de l’aspect de cette gare, à demi enterrée, sale et immense. Il prit le métro, pour la première fois de sa vie, et trouva le bruit, l’odeur, la luminosité et l’ambiance assez peu relaxante. Après en être ressorti, son périple pédestre commença : n’ayant qu’une adresse où se rendre, mais aucun moyen de se guider, il déambulait au travers des rues, immenses à n’en plus finir. Parfois, il était frappé par la hauteur de certaines tours, par la taille démesurée des rues, où le trafic automobile, cycliste et piéton était abondant. Il ne quittait jamais sa ferme, où il vivait maintenant seul, mais heureux. Là où il avait l’habitude d’emprunter des simples chemins, coupant à travers des champs, il se retrouvait sur de grands boulevards, à devoir esquiver les parisiens pressés, marchants à vive allure, ou bien chevauchant de surprenantes trottinettes électriques. Il était en admiration devant tant d’histoire architecturale, il remontait péniblement les avenues parsemées de terrasses où les gens allaient à toute heure de la journée. Dire que dans son village, il n’y avait qu’un bar-tabac ouvert seulement le midi en semaine ! Mais il n’était pas venu pour faire du tourisme, et se hâtait de trouver l’endroit dans lequel il avait rendez-vous. Les feux pour piétons ralentissaient sa quête, et, en patientant sur le bord du trottoir, il se faisait la réflexion que c’était tout de même une drôle d’invention ! Afin de ne pas être en retard, il marchait de plus en plus vite « les parisiens déteignent déjà sur moi, je ne prends même pas le temps de contempler la capitale » se disait-il. Il avait une vague idée du chemin à emprunter, mais toutes ces rues se ressemblaient !
À un moment donné, il se trouva perdu et désemparé, il n’avait pas de téléphone portable, et n’avait vu aucune cabine téléphonique. Il se disait qu’il aurait dû prendre un taxi, qu’un jour comme celui-ci, on ne pouvait pas se permettre d’être en retard, qu’au lieu de venir se perdre à Paris, il aurait dû rester chez lui. Quelques instants avant de s’égarer, il avait repéré un plan du quartier au dos d’un panneau publicitaire, et il s’y rendit afin de tenter de retrouver sa route. Il eu du mal à comprendre son erreur, mais après plusieurs minutes de réflexion, il comprit qu’il aurait dû tourner dans une ruelle, alors qu’il avait continué tout droit. Ce n’était plus très loin, mais marcher autant lui avait provoqué des douleurs à la hanche, et alors qu’il décida de s’asseoir quelques minutes sur un banc, il entendit des cloches sonner quinze heures, l’heure tournait, et il devait se rendre au plus vite chez un lointain cousin, qu’il n’avait pas vu depuis plusieurs années, mais qu’il appréciait beaucoup. Il sentait son cœur battre, il s’interrogeait sur la suite de la journée « et si j’arrive en retard, s’il y a un problème et que ça ne se passe pas bien ». Il pressait de plus en plus le pas, courait presque ! Que c’était éprouvant pour lui ! À un moment, il était si essoufflé qu’il dû s’arrêter pour reprendre sa respiration, et, en contemplant la porte du bâtiment devant laquelle il était, il s’aperçut qu’elle était bleue et que le numéro inscrit au dessus était le 37, comme l’avait indiqué son cousin au téléphone. Il profita du fait qu’une femme entrait dans l’immeuble pour y pénétrer, mais alors qu’on lui avait dit d’emprunter le couloir de gauche, à coté de l’ascenseur, il s’était retrouvé face à un unique escalier. Il se ravisa donc, et convaincu de d’être trompé d’immeuble ou de rue, il ressorti, et ne peina pas à trouver la bonne porte à quelques mètres de là. Il sonna à l’interphone, et alla pour la première fois chez son cousin. Il n’eut pas le temps de rester très longtemps, puisqu’ils étaient absolument pressés.
Il était presque quatre heures de l’après-midi, lorsqu’ils arrivèrent à l’aéroport de Roissy, à bord de la voiture du cousin. Ils se mirent à courir dans le grand hall, et en arrivant dans un espace couvert de moquette bleue, ils s’arrêtèrent enfin. Sa fille était là, elle attendait que les services de l’adoption lui apportent un petit garçon pour elle et sa femme. – « Je vais être grand-père » dit-il, du haut de ses 70 ans, les larmes aux yeux.