C’était un vendredi d’octobre, dans une grande ville comme il y en a des centaines et, plus précisément, dans une banlieue qu’on pourrait qualifier de difficile. Le mois touchait à sa fin, le soleil commençait donc à disparaître alors qu’il n’était que 18h ; le ciel était teinté de nuances d’orange, de rose et de jaune. Sous cette lumière diffuse, les immeubles du quartier projetaient des ombres éphémères dans les rues désertes. D’apparence, tout avait l’air paisible. Les immeubles, tous identiques, carrées, beiges sales, de sept étages, étaient disposés autour d’un petit parc médiocre. Bien qu’austère, cet environnement ne semblerait pas dangereux si ce n’était pour l’atmosphère chargée par l’instabilité et la tension. C’était presque comme si le mal-être des habitants avait contaminé l’air lui-même et que ce dernier restait captif, piégé par les HLM, imperméable à l’agitation du centre-ville.
Dans une des nombreuses rues du quartier, des échos de pas retentirent ; un jeune homme basané, à la silhouette élancée, aux cheveux noirs et bouclés, avançaient à grands pas sans prendre le temps de ralentir aux croisements. Il s’appelait Théo et rentrait du lycée, sans détour, pour éviter toute rencontre qui pourrait se solder par une confrontation. Il était plus que capable de se défendre, mais il avait pour habitude d’éviter les conflits inutiles.
Le jeune garçon venait d’une famille assez modeste. Ses parents avaient préféré assurer la scolarité de leurs deux enfants en les inscrivants dans un grand établissement privé, quitte à sacrifier une partie de leur confort. Cependant, ils commirent une erreur en surestimant grandement les conditions de vie dans les cités et, Théo en était sûr, s’ils pouvaient recommencer, ils feraient le choix inverse. Il avait déjà été question de déménager en province mais le projet n’avait jamais abouti, comme si la ville elle-même refusait de les voir partir.
Théo vivait ici depuis plus de 6 ans, il était donc accoutumé à emprunter des raccourcis afin d’arriver chez lui sans difficulté. Il considéra avec dépit le digicode endommagé et enfouit ses mains tremblantes dans les poches de son jean, à la recherche de son trousseau de clés. Poursuivant son exploration dans son manteau, puis dans son sac, il finit par mettre la main dessus, piégé dans son cahier de physique.
Il allait rentrer dans le hall lorsque son cœur manqua un battement, une déflagration venait de déchirer le silence. Se retournant pour observer les alentours, il constata qu’il était seul. Néanmoins, pressé d’être englober par la sûreté du bâtiment, il déverrouilla la porte de l’immeuble. Malheureusement, il fut immobilisé à mi geste par une douleur lancinante dans l’abdomen. Ses jambes se dérobèrent sous le choc, il ouvrit la bouche dans une vaine tentative d’appeler à l’aide et regarda impuissant une flaque de sang, son sang, se rependre sur le sol froid.